Une petite douzaine d’huîtres, une belle bouteille de vin et un peu de temps. C’est tout.
Ah le bonheur, ah le délice!! Pour moi, c’est toujours un grand plaisir de la vie. Et en cette fin de janvier, c’est encore le temps de profiter de cette abondance saisonnière. Même si de nos jours, les huîtres se dégustent très bien à l’année longue, c’est à l’automne et pendant l’hiver que la fraîcheur est à son paroxysme, que la diversité est la plus intéressante et que les prix sont les plus bas.
Dans mon cercle de dégustation, nous avons plusieurs amoureux du divin coquillage. De cette passion est née une étrange tradition. Un repas entièrement composé de différents services d’huîtres!
Chaque année, nous jouons donc un jeu très particulier aux règles biens définies. Nous choisissons tous une bouteille de vin que nous cachons aux autres participants (le principe de la dégustation dite à l’aveugle). Ensuite, nous désignons un service d’huîtres selon l’accord que chacun veut réaliser (huîtres natures, avec sa mignonnette, casino, Rockefeller, etc). Au fil du festin, nous essayons bien sûr de découvrir l’identité des flacons cachés, mais surtout nous argumentons, et ultimement votons pour celui ou celle qui aura réussi l’accord le plus savoureux.
Le participant ayant obtenu le plus de votes (on ne peut voter pour son propre accord) est désigné heureux gagnant. Il y a toujours un petit quelque chose à remporter au bout de l’exercice. Cette année? Un magnifique certificat dégustation 5 services pour deux chez Tandem, notre restaurant de fine cuisine . Pas mal, non?
Aujourd’hui, je vous propose une revisite littéraire de ce petit rituel qui nous est si cher. Quatre vins, quatre services savoureux. Mais cette fois, ce sera à vous de déterminer l’identité de la bouteille victorieuse.
Pour réussir notre accord, il convient de respecter quelques petites règles simples. D’abord, on accorde toujours les vins et les plats en fonction de leurs corps et de leurs charges aromatiques. Les services simples commanderont des vins plus délicats, plus dénudés. À l’inverse, les recettes plus ambitieuses exigerons des cuvés plus relevées. On favorise de façon générale les vins sec (soit quatre grammes de sucre et moins par litre), et on axe nos choix autour de produits possédants de belles notions minérales. Comme l’huître incarne la quintessence de la minéralité, il s’agit ici d’accords d’association aromatique.
Soyons gourmands, soyons audacieux, soyons joueurs :
Schistes, Domaine de l’Écu, Muscadet-Sèvre et Maine 2017, Val de Loire, France, 20$, +13807102
Voici une excellente démonstration que les bonheurs les plus intenses sont parfois aussi les plus simples. Huîtres natures et grand muscadet de terroir. Chez Fred Niger du domaine de l’Écu, plusieurs cuvées portent des noms de types de géologie où pousse la vigne. Granite, gneiss, orthogneiss… Mais ici, ce sont les schistes du domaine qui nous intéressent. Cette roche métamorphique a la particularité de se présenter en feuillets.
Elle est bien drainée et donne des vins élégants, très purs et surtout… débordant de minéralité (je vous préviens, ce mot va revenir plusieurs fois dans cet article). Zestes de lime, melon miel, herbes fraîches et salinité typique des côtes atlantiques, voici le nez merveilleux que nous offre ce cru!
Nous lui proposerons comme partenaire de danse une petite huître raffinée et iodée tel la trésor du large ou la caraquet. Tout est là, nul besoin d’artifices supplémentaires. Une rencontre au sommet de la pureté qui délectera les amateurs les plus fervents!
Muros Antigos, Anselmo Mendes, Alvarinho 2017, Vinho Verde, Portugal, 22,50$, +11612555
L’huître possède, dans la littérature du vin, des accords classiques très définis. Le Chablis, le Champagne et le Muscadet sont certes les plus courants (accords dont nous explorerons certains pans dans cette article, et c’est de bon aloi), mais il est pertinent, voire nécessaire, de sortir parfois des sentiers trop biens battus et de visiter d’autres terroirs. Puisqu’ici, tout reviens inévitablement au terroir.
La zone viticole de Vinho Verde a beaucoup plus à offrir que le vin simple, abordable, pétillant et un peu sucré qui se vend à la pelle dans toutes les SAQ de la province. Même si ces cuvées sont sympathiques et dépannent très bien pendant les canicules d’été, c’est à un autre profil et style de vin que nous nous attardons aujourd’hui.
En effet, Anselmo Mendes, vigneron talentueux à quoi rien ne résiste, nous propose une lecture très différente de ce que peut offrir l’appellation. Travaillant avec le grand cépage alvarinho (albarino chez les Espagnols) sur des sols calcaires, le vin s’ouvre sur des notes de poires bartlett, de mandarine, de fleur blanche et de sel marin. Même s’il est légèrement plus parfumé que le Muscadet qui le précède, ce cru s’affirme sur une finesse aromatique impressionnante. La bouche dévoile un corps plutôt rond que l’on n’aurait pas attendu d’emblée. L’ensemble est frais, aérien, désaltérant. Nous lui associerons une huître plus texturé et plus goûteuse, comme la malpèque choix par exemple, que nous servirons avec des condiments classiques (jus de citron ou de lime, sauce worcesterhire ou votre sauce piquante favorite).
Expérimentations, variations sur les thèmes et bonheur en bouche garanti!
Birweiler Vom Rotliegenden Riesling, Weingut Okonomierat Rebholz, Pfalz, Allemagne, 44$, +12353196
Ne me demandez pas de prononcer parfaitement le nom de cette cuvée, ni même celui du domaine, vous serez déçu. Pour le boire par contre, aucun problème! Ce vin splendide est issu du prestigieux terroir de Pfalz (aussi appelé Palatinat), qui est en fait le prolongement de la formation géologique de l’Alsace. Cultivé en agrobiologie et issu de sol de gré rouge, ce grand Riesling est un vrai porte étendard de ce que la noble variété a de mieux à offrir. De la longueur, de la longueur, en voulez-vous? En voilà! Les palais les plus capricieux s’écrieront «enfin du vin»!!
De la maîtrise, mes amis, mais aussi de la typicité et une grande droiture, voici ce que ce vin coup de cœur a à offrir. Il reste relativement peu de flacons disponibles sur l’île de Montréal, mais à 44$, si vous faites l’effort, vous en trouverez pas trop loin de chez vous. Et ça en vaut le coup.
Notes lactiques, tonalités mielleuses, pomme verte, poivre blanc, menthe, résine et minéralité pierreuse, voici ce que vous découvrirez lorsque vous plongerez le nez dans votre coupe. Pour ce service, je vous propose un accord qui est rapidement devenu un de mes favoris; une mignonnette de jus de lime, coriandre et miel (très peu). À ce bel habit, j’associe mon huître préférée, la Colville. Parfois difficile à trouver, souvent dispendieuse, mais toujours savoureuse et équilibrée, c’est la reine de mon cœur lorsqu’on parle coquillage. .
Zéro Brut Nature, Tarlant, Champagne, France, 56$, +11902763
Voilà, il nous en fallait un. Un Champagne, un vrai, et aucune imitation n’aurait su être tolérée. Dans un article précédent, je vous confiais que le Champagne, au delà de sa bulle festive, de sa robe enjôleuse et de ses attraits dignes des plus hautes noblesses, était avant tout un grand vin. En voici une autre belle démonstration.
Issu d’une toute petite production familiale, fruit de douze génération de cultivateurs, le Tarlant Zéro est une vraie petite perle de terroir à prix fort abordable (pour un Champagne, bien entendu). Composé majoritairement de vin du millésime 2010 (le reste étant issu de vins de réserve), cette assemblage des cépages Pinot Noir, Pinot Meunier et Chardonnay à parts égales est fort romantique.
Le nez est d’une fraîcheur sans pareil. Citron, cire, miel, amande, noisette grillée, brioche, et cette lumineuse minéralité qui nous est si chère.
À cette bouteille remarquable, nous offrirons notre plat le plus ambitieux; les fameuses huîtres Rockefeller. Je choisis pour ce met une coquille facile à ouvrir au goût bien balancée comme la beausoleil. Bien qu’il existe de nombreuse variantes à cette recette, nous en choisirons une expression classique, autour de la chapelure, des fines herbes, de l’épinard et du parmesan. Oui, oui, il s’agit ici d’une huître gratinée! Et croyez-moi, avec se plat et une coupe de Champagne à la main, vous vous sentirez riche comme un membre de la famille Rockefeller !
Alors, sous une petite neige, se boucle la boucle de notre parcours vitico-gastronomique. Maintenant, il ne vous reste qu’à tester et voter pour votre accord favori.
En espérant que le témoignage de notre petite tradition gourmande vous inspire et vous amène à faire vos propres expérimentations. Parce que c’est là, en vérité, que réside de vrai plaisir. Celui de la découverte et du partage.
Après ce bel apéro, on passe à la raclette pour poursuivre la soirée…
À la vôtre, chers passionnés!
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