Qu’est-ce que vous inspire la rentrée ?
J’ai récemment mené un petit sondage informel pour le découvrir. Sans surprise, plusieurs d’entre vous ont évoqué les arbres qui se parent de leurs rougeoyantes couleurs et le thermomètre qui amorce sa langoureuse et impopulaire danse du limbo.
Notre paysage, jadis bercé d’une douce lumière estivale, se révèle désormais en pleine mutation, libérant dans ses obscurités nouvelles une mythologie bien définie ; pimpants autobus scolaire, verger débordant de pommes mûres, arrogants cônes de construction et couvre-chefs multicolores semblant bourgeonner sur nos têtes lunatiques.
Pour moi, c’est aussi l’arrivée fort attendue des champignons sauvages sur le marché, desquels je me régale sans retenue dès que la saison l’autorise. Les mijotés parfument nos maisons désormais chauffées et les vins puissants et réconfortants s’invitent de nouveau à nos tables… Comme la joue de boeuf ou un bouilli de légumes.
Puisque la rentrée est synonyme de budgets serrés, je vous ai sélectionné dans un premier temps des vins offrant d’excellents rapports qualité/prix. Mais comme il nous faut aussi lutter contre l’automne qui s’affaisse de tout son poids, je vous ai également glissé deux recommandations qui sauront ramener l’extraordinaire dans ce quotidien monotone qui nous afflige tous. Sur ces belles parles, place à la dégustation.
Nos vins à ouvrir sous une journée pluvieuse :
Little James Basket, Château de Saint-Cosme, Vin de France, 15,85 $, 13 958 277
Les vins du Château de Saint-Cosme sont considérés parmi la crème de la crème du terroir de Gigondas, voire de la région du Rhône. La famille Barruol mène de main de maître le domaine magnifique et leur savoir-faire impressionne à tout coup. Ici, c’est la cuvée cadette du vignoble que je vous présente.
Nommé en l’honneur du garçon de la famille, James, il s’agit d’un vin intrigant au concept audacieux. En effet, depuis la naissance de l’enfant, à la fin des années 90, le domaine sauve du vin du cépage grenache noir chaque année, et il assemble ensuite les millésimes pour donner ce produit. C’est donc dire que la bouteille contient un peu de vieux vin, mélanger à des années plus récentes. La méthode, certes étrange, donne néanmoins un résultat spectaculaire pour son petit prix !
Notes de fruits rouges bien mûrs (fraises, cerises), bouquet d’épices douces et quelque chose qui rappelle une promenade dans un sous-bois à l’automne (feuilles mortes, mousse), voici ce que nous propose ce joli flacon. Une expérience à part entière, qui se réjouira de la présence d’un poivron farci au veau haché gratiné au comté à ses côtés !
Alchimiste, 2018, Domaine Sclavos, Céphalonie, Grèce, 18,50 $, 13 503 766
Nous aimons les produits dont la culture respecte la nature, la terre qui les ont fait naître. Les vins du mouvement naturel nous parlent tout particulièrement. C’est pleinement le cas sur cette belle cuvée en provenance de Grèce. Considéré comme un pionné du courant non interventionniste dans cette région du monde, le domaine Sclavos a la réputation de grands passionnés au modèle d’affaires quelque peu… brouillon.
À titre d’exemple, l’agent qui les représente au Québec me racontait qu’avant de rejoindre son porte-folio, la maison vendait la délicieuse cuvée que je vous propose aujourd’hui en vrac aux tavernes avoisinantes ! Pour presque rien en plus ! Vous savez, ces gens qui rentrent de vacances et vous racontent, les yeux lumineux, qu’ils ont déguster un vin maison merveilleux sur une petite terrasse bucolique, et que ça ne coûtait pratiquement rien, et bien croyez-les maintenant !
La cuvée Alchymiste déborde de fraîcheur, de parfum de poire, d’herbes fraîches hachées et de notes salines. La finale légèrement résineuse désaltère comme pas une. Prétendons donc un peu que nous sommes encore l’été, et délectons-nous d’un doré de lac poêlé et de cette belle cuvée.
La cuisine de ma mère en Vacances (Rosé), 2018, Nicolas Grosbois, Gaillac, France, 20 $, 14 184 285
Ne nous berçons pas d’illusions, la saison du rosé est bel et bien derrière nous. Mais pourquoi ne pas faire un petit croc-en-jambe à cette inflexible convention ?
Loin de sa Loire natale, Nicolas Grosbois nous fait découvrir le sud-ouest de la France grâce à son regard original, authentique et agrobiologique. Assemblant les cépages Syrah et Duras à parts égales, ce vin simple et merveilleusement bien fait dévoile un croquant fou !
Gourmand à souhait, on a presque l’impression de mordre dans un fruit tout juste cueilli. Le nez est délicat et prometteur, la bouche est remplie d’arômes mûrs très pleins et la finale est longue et harmonieuse. Que demander de plus ? De savoureux accras de morue style Tandem ! D’ailleurs sur notre carte des vins, nous avons pas mal de vins sympathiques pour apprivoiser l’automne.
Nerojbleo 2016, Nero D’Avola, Azienda Gulfi, Sicile, Italie, 26,60$, 13437391
Instigateur de la révolution du Nero D’Avola, cépage emblématique de la Sicile, la famille Gulfi a fait énormément pour hausser la qualité des vins produits avec cette variété. S’inspirant notamment de la Bourgogne, où le terroir fait foi de tout, le domaine s’est énormément penché sur la nature géologique des sols que l’on cultivait.
En résultent des cuvées parcellaires où l’empreinte minérale sur les vins est extraordinaire ! Une vraie démarche contre-courant pour l’époque, où les Nero D’Avola étaient excessivement riches, extraits, boisés, alcooleux et, sommes toutes très peu équilibrés, démarche dont nous récoltons les fruits maintenant.
Donc, ce vin gorgé du soleil méditerranéen est une cure très efficace contre le spleen saisonnier qui nous assaille. Les notes de prunes, de raisins de Corinthe, d’anis étoilé, de réglisse et d’encens s’enlacent dans un tango presque érotique. Le tout est superbement balancé par une fraîcheur bienvenue. Ouvrez cette cuvée auprès d’un tataki de bœuf aux champignons marinés et vous frapperez un coup de circuit !
Domaine de La Bongran 2013, Viré-Clessé, Bourgogne, France, 48,50 $, 11 661 365
Voici enfin le clou du spectacle, le feu d’artifice tant espéré, la vedette de cet article : le grand Bourgogne qui transforme la vision de l’existence (j’exagère à peine) ! Situé dans le Mâconnais, le Domaine de la Bongran jouit d’une situation géographique plutôt unique. En effet, dû à la présence d’un ruisseau qui sillonne une petite combe traversant les vignes, on trouve (lorsque les conditions se présentent) le champignon Botrytis Cinerea, aussi appelé « pourriture noble ». Présent dans le Bordelais et en Loire, il est extrêmement rare en Bourgogne. Ce petit champignon attaque les baies de raisins, mais ne les pourrit pas. Il boit seulement l’eau qu’elles contiennent, créant ainsi une forme de passerillage (déshydratation du raisin). Il en résulta un vin blanc-or d’une concentration aromatique hors du commun.
Tout y est, parfums d’une richesse à couper le souffle, texture sublimement suave en bouche, longueur déconcertante… Avec ce vin, l’automne n’existe plus. En fait, le temps dans son entièreté s’arrête juste pour vous, l’instant d’apprécier cette communion.
Nous voilà déjà à la fin de l’article. Mais ce n’est pas réellement une fin, mais bien un commencement. Celui des 5 à 7 dans la noirceur, des films d’auteur bien collés sous la couverture de laine, des longues randonnées dans les bois bariolés, des batailles de feuilles mortes sur le terrain, des bouts de doigts gelés et des cœurs bien chauds. Chaud de vivre. Chaud d’être ensemble. Chaud d’aimer. Et nous savons qu’il fera chaud encore longtemps ! Bon automne.
Les vins mis en vedette dans cet article, seront aussi parfait avec une belle raclette ou encore une fondue à la viande pour commencer la fin de semaine.
Samuel DuBois,
Votre humble sommelier et l’équipe Tandem
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